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Edwood
11 septembre 2011

Des souris et des hommes

mice



Bonsoir.

Parfois, dans la vie d'un artiste-créateur, sous les projecteurs éblouissants de la gloire et du succès, vient un moment où, par un concours de circonstances malheureux, on en vient à promettre à son auditoire des choses insensées qu'on sait pertinamment qu'on ne pourra jamais produire. C'est cruel mais c'est ainsi, nous sommes comme cela nous autres, saltinbamques du rêve. N'échappant pas à la règle, alors que je suis en ce moment même approché par e-Darling afin de concrétiser un partenariat hautement rémunérateur grâce aux nombreuses références sexuelles Google que vous m'offrez tous les jours, je décide de vous dévoiler cette vérité à la noirceur qui n'est pas sans rappeler celle d'un point sur un nez.

Oui, mes amis, il m'est moi aussi arrivé de fauter, je le confesse. Il m'est arrivé sur ce même blog ou sur les anciens de vous annoncer des choses, de vous teaser, de vous séduire en vous mettant l'eau à la bouche, et de vous promettre des histoires aussi farfelues qu'attirantes, dont la drôlerie pure faisait s'esclaffer rien qu'en lisant le pitch. Je m'en suis rendu compte en survolant mes archives, chose que je fais chaque soir en riant de bon coeur afin de passer un agréable moment.

Je vous ai ainsi promis, entre autres, de vous raconter la suite de mon fantastique voyage à Paris qui devait compter 21 parties et dont une seule à ce jour s'est trouvée publiée. Je vous ai de la même façon invités à croire que je posterais un texte sur Musclor, ce héros de nos enfances. Enfin, vous n'êtes pas sans savoir que j'avais introduit suite aux très cultissimes notes sur les araignées et sur mon combat contre le Roi Moustique une grandiose série de textes qui vous narrerait l'état de délabrement dans lequel se trouvait mon appartement de l'époque, et une description complète de l'incroyable faune et flore qui l'avaient envahi et transformé en basse-cour sonnante et caquetante.

Mais chers lecteurs, aujourd'hui, j'ai décidé qu'il était temps de remplir mes engagements, d'oublier cette frénésie du pouvoir qui poussait le petit homme fantoche que je suis à vous mentir délibérément. Oui, vous l'attendiez comme un cadeau de Noël qu'on réclame tous les ans avec espoir mais qu'on ne verra jamais venir, comme un poney, ou un bermuda. Je recevais tous les jours des centaines d'e-mails à ce sujet, des lettres pitoyables mais touchantes de personnes malades n'attendant qu'une dernière chose de ce monde : pouvoir lire la note sur les souris de mon ancien appartement.

EH BIEN LA VOILA.

Tout cela date d'il y a fort longtemps, dans une lointaine galaxie. J'ai pour l'écrire dû remonter dans le temps et réactiver les cellules mortes de mon cerveau à l'aide de nicotine et autres puissantes drogues afin de pouvoir m'en remémorer chaque détail. En fait pour être franc, j'avais espéré retrouver un début de note que je pensais avoir écrit un jour d'ivresse. Après avoir fouillé méticuleusement les 150 documents textes qui peuplent mon dossier d'écrits incomplets, j'ai fini par retrouver ce que je souhaitais. Du moins je le pensais, car en réalité je me suis aperçu avec effroi que je n'avais écrit qu'une seule ligne. Inutile de dire que j'ai été déçu, mais qu'elle sera néanmoins intégrée à la note, et ce à plusieurs reprises, car c'est toujours ça de pris.


DES SOURIS ET DES HOMMES


Partie I

Revenons en l'an 2008. Le monde est considérablement différent de celui que vous connaissez aujourd'hui. Les gens se déplacent à l'aide de troncs d'arbre qu'ils font rouler bruyamment sur le sol, la mode est aux pattes d'eph et nous écoutons Ace of Base. Nous sommes heureux et insouciants, vivant l'instant présent comme de doux rêveurs, sous le règne du président Pompidou. Je crois. Non en fait je ne crois pas, mais ce nom est beau comme une fanfare et je souhaitais l'utiliser.

J'étais dans mon appartement en compagnie de mes amis moustiques et fourmis, et je passais une délicieuse soirée dans le monceau d'ordures m'entourant et constituant le cadre de vie de ce lieu. Vaisselle sale, déchets en tout genre jonchant le sol, je m'étonnais presque de ne pas encore avoir succombé au choléra, mais ne m'en souciais guère plus que ça, parce que mine de rien c'était une bonne soirée. J'étais donc en compagnie d'une femme, probablement M., ou M., ou M., et nous regardions tranquillement la TV dans un état proche de l'abrutissement, quand tout à coup, j'entendis un cri dans la nuit. Ce cri, ce n'était autre que ma compagne, qui venait d'apercevoir une créature passer devant elle dans la pénombre. Alarmé par cet avertissement sonore laissant entendre qu'il ne s'agissait pas des insectes mutants habituels, je décidais de prendre les choses en main et d'essayer de comprendre ce que pouvait bien être l'indésirable, n'aimant guère les créatures de ce genre, ou tout simplement les étrangers. Je partis donc en chasse de la bête, m'attendant presque face à la description de mon amie à voir surgir un cafard géant ou autre ragondin pesteux. Je jetais un coup d'oeil sous l'armoire, sous le lit, derrière la télé, quand tout à coup, je le VIS. Oui, je le VIS, ou plutôt je la vis, car il s'agissait en fait d'une petite souris. Avouez que vous être surpris, vous qui n'aviez lu ni les multiples titres de la note ni le préambule, et qui aviez commencé directement à ce paragraphe !

Une souris donc. Relativement vive, mais quand même assez boulotte, du genre à aller se cogner contre le mur en courant. Attendrissement. Je compris tout à coup pourquoi depuis une semaine environ je retrouvais mes réserves de pain de mie rongées, et des crottes de rongeur un peu partout sur le sol de ma cuisine. Non, ça ne m'avait pas mis la puce à l'oreille jusque là, même si elle devait pourtant en avoir en nombre, des puces.

Amusés par cette sympathique découverte, car après tout il s'agissait d'un vieux bâtiment et il n'y avait donc rien d'étonnant à ce qu'il soit peuplé de rongeurs, même si je me trouvais au troisième étage, nous décidâmes de lui donner un nom, et après quelques jours en trouvant ses déjections sur mon plan de travail ou dans mes assiettes, d'essayer de la capturer pour nous en débarrasser.

Fifi la souris.

Mais comment la tuer ? Si vous l'aviez vu, avec sa petite tête d'enfant-souris. Cela serait comme tuer un bébé. Un bébé pillant mes provisions alimentaires, et souillant de ses tiques pestiennes et autres galles mon environnement de vie.
Or, vous me connaissez, j'ai un grand coeur d'enfant. Impossible pour moi d'utiliser un piège et de retrouver une pauvre malheureuse la tête à moitié arrachée. Je souhaitais que nous réglions ça à l'amiable, et cela impliquait donc une non-souffrance des animaux.

Je partais donc comme tout homme de 2008 en recherche d'information sur altavista.com, et tombais sur plusieurs sites de gens comme moi, n'aimant pas faire de mal aux bêtes, mais n'appréciant pas non plus la maladie. J'y trouvais des astuces pour capturer sans violence et sans dépense les petits animaux de ce genre.

Le concept était simple, et ne nécessitait qu'un rouleau d'essuie-tout et une poubelle pour être mis en place. Je vous en fais un petit schéma, j'aime beaucoup les schémas :


lole3


Comme vous pouvez le constater, plan simple et génial. La souris, alléchée par le fumet délicieux d'un bout de pain rassi, entre dans le rouleau de sopalin qui balance dans le vide, et en essayant de se saisir de son précieux repas, fait chuter sous son poids ce dernier avec elle dedans en direction de la poubelle. Probablement un truc tiré de Picsou magazine, toujours est-il que sur le papier, ça avait toutes les chances de fonctionner.

Le premier soir, je mis donc le piège en place. Nous attendions, toutes oreilles sorties, le moindre son prouvant que ça avait fonctionné et que nous tenions notre parasite. Malheureusement il n'en fut rien. Nous partîmes nous coucher, et c'est alors que ma nuit était déjà bien entamée que je fûs réveillé par un bruit régulier et agaçant. Me levant pour voir ce dont il s'agissait, je me rendis compte avec joie que la bête était captive ! Le bruit agaçant, c'était celui de ses sauts contre la paroi de la poubelle en plastique lisse. Ca faisait une petite vingtaine de minutes qu'elle bondissait pour essayer de sortir de sa prison, ce qui était passablement énervant pour quelqu'un essayant de dormir comme vous pouvez vous le figurer. Mais trop heureux de contempler la petite créature prise au piège, je décidais d'aller réveiller ma partenaire dans un geste de pure galanterie afin qu'elle partage avec moi ce moment, et de lui présenter notre nouvelle amie. Je suis comme ça moi, j'aime que les autres partagent mes réveils.

Une fois la découverte passée, il fallut prendre une décision, qu'allions nous en faire ? Fatigués, nous décidâmes pour le moment de fermer la poubelle au cas ou à l'aide d'un plastique percé de petits trous de la taille d'un sténopé afin que le malicieux souriceau puisse respirer mais pas s'échapper, et d'aller reprendre notre nuit. Elle finit par se calmer et nous pûmes donc dormir quelques heures, non sans quelques réveils intempestifs, témoignages de sa vivacité.

Vers six heures, n'arrivant plus à dormir, il fallut définitivement prendre une décision. Elle fut la suivante : descendre les trois étages en caleçon avec la poubelle dans les bras, et aller rendre la petiote à la rue qui l'avait vue naitre.

La larme à l'oeil, je vis mon nouvel animal de compagnie s'enfuir à toute allure en se cognant contre la porte d'entrée, puis partir en direction du salon de coiffure le plus proche, qu'elle a probablement envahi depuis.


Partie II

Bon. Quelques jours séparent la rédaction de la partie I de la partie II, et autant vous le dire tout de suite : aujourd'hui je suis de mauvaise humeur. Je me suis levé du mauvais bulbe pédestre, et je me suis coupé en me rasant. Alors la partie II sera de mauvaise humeur. Elle ne sera pas joyeuse, elle sera triste et cruelle. Fini les attendrissements et les franches rigolades, il va y avoir du sang de souris, il va y avoir des morts, des cadavres partout, de la haine animalière et raciale, de la vérité crue et brutale.

Donc, une semaine après les évènements relatés dans la première partie, alors que nous pensions avoir éliminé la menace souricienne à tout jamais, nous étions à nouveau comme qui dirait envahis. Oui je dis bien envahis, car il semblerait qu'avant son départ, Fifi ait eu la délicate attention d'engendrer une centaine d'enfants, étant donné que nous en voyions désormais toutes les minutes et toutes les secondes, galopant sur le parquet, sur le comptoir, dans les placards, dans nos chaussettes, dans l'aspirateur, ou dans nos soutien-gorge.

Je remis donc le piège-sopalin en place, mais, si les premières heures nous procurèrent un vif amusement, capturant une petite souris toutes les 5 minutes, au bout d'un certain temps, contempler le zootrope que représentait la poubelle remplie de rongeurs bondissants nous lassa quelque peu. Passées quelques tentatives vouées à l'échec, comme essayer de boucher les trous d'accès à l'appartement, ou de vivre dans la salle de bain, je décidais donc de recourir à une offensive plus directe et de souhaiter désormais la mort de nos amies miniatures.

Je m'armais pour cela d'un puissant pot de MORT-AUX-RATS que je saupoudrais partout, y compris dans mes plats cuisinés. Très vite, son effet se fit sentir. De retour de l'hôpital, je trouvais une pauvrette mourante titubant sur le sol tel un caméléon, souffrant mille douleurs. Si cette découverte m'emplit de tristesse pour la pauvre créature, je ne pouvais néanmoins qu'admettre qu'il s'agissait là d'un mal nécessaire, tant pour ma santé que pour ma survie. Ne pouvant supporter la vision de l'adorable créature agonisant, je décidais de m'armer de moufles afin de ne pas attraper la peste, de l'attraper par la queue, et d'abréger ses souffrances en la projetant de toutes mes forces depuis ma fenêtre jusqu'au hall d'entrée en bas de mon appartement. EH OUI JE SUIS UN MONSTRE. Je suis comme cela. Quelques jours plus tard, le hall d'entrée était devenu un véritable cimetière, pour la plus grande joie des autres résidents.
Mais je me rendis vite compte que cet holocauste animalier que je provoquais ne servait pas à grand chose, il était trop tard. Les souris revenaient sans cesse, reviendraient sans cesse, il fallait me rendre à l'évidence : les tuer ne faisait qu'augmenter la longue liste de péchés de ma vie que j'aurais un jour à expliquer en haut lieu, il valait mieux se résigner à apprendre à vivre avec.

C'est donc ce que nous fîmes. Il fallut ranger, nettoyer. Oui, nous en étions arrivés là, mes amis. Nous avions été vaincus par la vie, qui nous ôtait notre liberté de vivre salement. Nous devions désormais faire attention et protéger les aliments, passer l'aspirateur, désinfecter, faire la vaisselle. Bref, nous dûmes apprendre à devenir responsables, car cette histoire nous aura au final servi de leçon.

A qui vais-je faire croire ça ? Une semaine plus tard, l'appartement était à nouveau un dépotoir.

Les voisins se plaignaient que nous laissions nos poubelles dans le couloir afin de ne pas susciter l'intérêt des rongeurs. De plus nous ne prenions même plus la peine d'amener les souris jusqu'à la rue, nous les libérions désormais directement dans l'escalier. Oui, je crois que les habitants du 12 rue du parlement Saint-Pierre peuvent me remercier d'avoir contribué à l'invasion du bâtiment. Pour ma défense, il avait été prévu une dératisation de l'immeuble, mais les responsables n'ont apparemment pas jugé utile de m'en informer et ont donc "oublié" mon appartement, ceci réduisant un peu à néant leur effort.

Lorsque, excédé par la vermine, je décidais enfin quelques mois plus tard de prendre la sage décision de déménager, et suite au grand nettoyage qui dura à peu près 1000 jours, je découvris sous les meubles ou derrière le frigo les vestiges d'une société complexe et fleurissante, ainsi que moult cadavres qui, je l'espère, m'auront inoculé nombre de maladies graves en pourrissant pendant des mois à l'abri des regards indiscrets.

J'aurais pu, oui, j'aurais pu avertir le prochain locataire dont j'ai moi même dirigé les visites, de cette présence indésirable, tout comme j'aurais pu également l'avertir par ailleurs du fait que l'isolation des fenêtres revenait à peu près à la même chose qu'avoir un trou béant dans son mur. J'aurais pu avoir pitié du pauvre bougre. J'ai préféré lui dire que "en hiver il fait froid, en été il fait chaud", et qu'il ne "manquerait pas de compagnie".

Paix à son âme.

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Commentaires
C
Encore une épique aventure! Bientôt compilée dans le recueil "Edwood et les animaux", préfacé par Allain Bougrain Dubourg (il y a des noms qui vous reviennent de nulle part comme ça... j'avais envie de placer Allain Bougrain Dubourg) <br /> <br /> Je suis une grande fan de tes schémas illustré, la tête de la petite souri dans le sopalin est fabuleuse. <br /> <br /> Allain Bougrain Dubourg.
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A
jolie note, j'ai aimé et j'ai souri(s) (!!!!) ! ^^
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M
salaud...
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