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Edwood
23 avril 2008

Don't worry Baby

2 ème journée de formation de formation. (non ce n'est pas une coquille, relisez les précédentes notes si vous ne saisissez pas)


Autant annoncer la couleur directement, cette journée a été une des plus éprouvantes spirituellement parlant que j'ai vécu depuis des années. En particulier parce qu'elle constituait un flashback, et qu'il était douloureux.


Je soulignais brièvement dans la précédente note l'impression affreuse que j'avais de retourner au lycée. C'est à peu de choses près l'impression qui s'est à nouveau dégagée lors de cette seconde journée.

Lever tôt le matin, le voyage en bus, long, somnolent, quasiment les yeux qui se ferment à chaque seconde sans nid de poule. Arrivée dans la salle de ... cours, des visages hagards et fatigués posés en rond autour de tables de lycée. La formatrice qui arrive, c'est un jour de fête nous annonce-t-elle, une invitée surprise va venir nous faire un speech sur les métiers de l'agriculture. L'occasion de nous réveiller en beauté. Nous aborderons pratiquement tous les sujets du domaine, de la conduite de tracteurs à la récolte de blé, en passant par l'élevage de bovins, ovins, fleurs, poissons, j'en oublie. Je décèle cela dit dans le regard de mes camarades le plus vif intérêt.

Après cette secouante introduction d'une petite heure vient l'heure du remplissage de questionnaires. Des questions auxquelles j'ai déjà répondu lors du bilan de compétence du précédent "Projet", l'occasion pour moi de laisser mon cerveau tourner au ralenti en ressassant tout ça. J'avais oublié à quel point une matinée de cours est longue, on a le temps de voir les secondes s'écouler une à une, et j'ai dû regarder mon portable une bonne centaine de fois (malheureusement sans forfait, même pas la possibilité d'envoyer des sms il33c33t) pour observer que non, l'heure n'avance décidément pas à vitesse normale.


La pause. On ne connait encore personne, moment gênant où on stagne devant l'entrée dans un semi silence, encore difficilement remis de ce nouveau rythme et de cette flamboyante première partie de matinée. Mes nouveaux amis racaille & rnb (un dangereux mélange) ne sont guère bavards, je trouve surtout discussion auprès de ma cigarette, qui en a probablement plus qu'eux d'ailleurs.


Puis, retour en cours, on continue les questionnaires. Petit à petit, la peur s'empare de moi. En effet, midi approche, lentement mais sûrement, et viendra bientôt le moment où il faudra aller diner à la cafétéria de l'établissement. Je redoute ce moment comme aucun autre, ne m'étant familiarisé avec absolument personne, ignorant jusqu'à la voix de la plupart d'entre eux.


L'affreux moment arrive enfin. Certains vivent non loin et vont donc manger chez eux, seuls 3 ou 4 membres du groupe se dirigent vers le "restaurant".


Le décor est triste, et j'ai de plus en plus de mal à croire qu'il s'agit d'un organisme de formation. Ca ressemble donc un peu à un lycée comme je l'ai déjà dit, oui, mais plutôt un lycée "pro" en fait, celui qu'on voit souvent à côté des vrais lycées, pour les gens en échec scolaire et qui veulent apprendre à démonter un frigo à 16 ans quoi. Dans mon ancien lycée ça s'appelait la section CES. Et "CES" était d'ailleurs une insulte qu'on se lançait au visage entre nous pour remplacer le mot "con".

Je rentre dans le self, et c'est la copie conforme du self de feu mon lycée. Sauf que les gens qui y mangent ressemblent drôlement à ceux de l'univers carcéral. Des gens affalés sur les tables, mal rasés et laids, absorbant leur tambouille la mine grise avant de retourner au charbon.

Je m'avance petit à petit, j'ai devant moi dans la queue un seul et unique membre du groupe, j'essaie de rester à proximité afin de ne pas finir seul à une table, ce qui serait la pire des alternatives. Quoique.


Les repas eux aussi n'ont rien d'alléchants, mais je n'en attendais pas beaucoup à la base. Bizarrement, je choisis d'opter pour un des plats les plus repoussants, chose je ne m'explique toujours pas pourquoi à ce jour.

Je suis toujours le gars devant moi, et vais m'asseoir face à lui. J'espère secrètement que les 2 ou 3 autres personnes du groupe qui sont bien plus loin dans la queue vont venir nous rejoindre et dissiper la gêne du face à face qui s'annonce. Ca serait normal, mais j'ai quand même un doute. Malheureusement, ils ne nous voient pas et vont se placer à une toute autre table, et me voilà donc nez à nez avec ce jeune homme pour un repas affreusement long.

Nous n'avons même pas essayé d'aborder la moindre conversation, croyez le ou non, mais le repas s'est déroulé sans que le moindre mot soit dit. On pourrait penser qu'il s'agissait là du "silence de complicité", qu'éprouvent deux personnes qui se comprennent et qui sont capables de rester sans rien dire sans en ressentir la moindre gêne, mais que neni, ici il s'agissait bien du silence de gêne, d'absence d'atomes crochus. J'étais pressé comme jamais de finir mon détestable plat, et de m'enfuir me cacher dans une caverne ou un jardin loin, très loin du lieu de formation, pour finir mon heure de conditionnelle dans la tranquillité de la solitude. La porte de prison qui se trouve face à moi semble avoir les mêmes ambitions, et il mange d'ailleurs exagérément vite son repas, je n'arrive pas à le distancer. Finalement, il se lève, toujours sans mot dire, et s'en va, je me retrouve seul à ma table pour finir mon repas. Je vous épargne le détail de ce pur moment de honte, à feindre d'avoir l'air normal en tournant la tête à droite et à gauche pour faire genre je regarde un truc qui se passe, je me fous d'être seul, alors que bon, il est évident qu'il ne se passe absolument rien et que la solitude en cet instant me pèse.

Je bâcle la fin de mon repas et m'enfuit.


Je reviens pour l'heure de rentrée après avoir couru nu dans un champ en hurlant pour mieux savourer la liberté.


L'après midi s'est beaucoup mieux passé que le matin. Nous étions libres dans l'établissement, devant chercher des trucs sur le net ou passer des coups de fil, je n'ai pas été obligé de rester assis avec mes camarades toute la journée. Certains d'entre eux m'ont même abordé au détour d'un couloir, nous avons échangé quelques mots complices, afin de nous sentir moins seuls plus tard pendant la pause. Celui que je nommais hier "le gars des mots croisés", et que nous appellerons désormais "Dodo", (non pas parce qu'il ressemble véritablement à un Dodo, cet oiseau rigolo dont la race s'est éteinte mais dont le nom continue de briller, non, simplement parce que c'est un diminutif de son prénom, et que je n'ai pas envie qu'il apprenne que je parle de lui un jour ou l'autre en se googlant et en trouvant son nom mentionné ici, c'est que je ne suis pas encore prêt à perdre la vie, mes amis) nous aura même fait un bref coucou bruyant au cours de l'après midi, ne vivant apparement sous la contrainte d'aucune règle ou d'horaires à respecter. Fidèle à son habitude, il se sera contenté de se connecter sur un pc censé servir à la recherche d'emploi avec ses écouteurs, afin de regarder des vidéos sur youtube, ou d'écouter un morceau de rap, sous le regard médusé de la formatrice, ayant un peu baissé les bras à son sujet.

La pause, justement, m'a donné l'occasion de constater la véracité des soupçons que j'avais concernant l'endroit et les gens m'entourant. Je parlais de prison ? Il se trouve que certains d'entre eux sont bel et bien des criminels prêts à embrasser les barreaux. L'un d'eux nous avouera l'air triste avoir été inculpé pour dégradation sur véhicules... ainsi que pour cambriolage d'un commerce. Il attend son jugement de pied ferme, le bougre.

Mais au diable les préjugés, la pause aura quand même été l'occasion de déstresser, d'apprendre à connaitre mes compagnons de cellule, et j'ai même tiré quelques taffes sur un joint confectionné par l'un d'eux qui tournait par là, tout en discutant de leurs procès, avant de le voir nous quitter les bracelets autour des bras. Non je plaisante, pas encore.



Finalement voilà, cette journée était terminée. J'ai laissé la porte de prison de la formation se fermer derrière moi d'un son sourd, et je m'en suis allé rejoindre mon petit appartement, ma nudité, et mes valeurs qui, valant ce qu'elles valent, m'épargnent pour ma part de futurs jours à l'ombre.



Mais je ne perds pas espoir, je fais des efforts. Sur le chemin du retour, je me suis fait couper les cheveux. J'envisage la pose de boucle d'oreille de rigueur, et dans mon juke box sonne désormais la voix suave de Booba. Je rentrerai dans le moule, je vous le dis moi.

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Commentaires
D
Ne dit-on pas que tout ce qui fait souffrir favorise la créativité ? Une renaissance bloguesque probablement TaVu
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A
Ca a au moins du bon cette formation, si ca t'inspire a ce point. lA reNnAIsSanCe dE daDaRK ou quoi ?
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